Je te raconte ma vie

Un jour, j’écrirai un livre.

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Je ne sais pas pourquoi je suis aussi obsédée à l’idée d’écrire un livre.

C’est pas comme si j’avais une idée précise qui mûrissait dans ma tête depuis dix ans (j’en ai mille, aucune n’est vraiment bien mûre). J’ai même pas de direction particulière – roman ? nouvelles ? essais auto-biographiques ? satire ? humour  ? …tout à la fois ?

C’est un but que je me suis fixé quand j’avais environ 7 ans et demi, et je n’ai cessé de me le répéter depuis l’enfance : un jour, j’écrirai un livre. Ça n’a aucun sens, c’est comme dire « Un jour, je ferai un voyage » ou « Un jour, j’apprendrai à jouer d’un instrument« .

Pourtant, je vis avec ce truc en moi depuis plus de vingt ans, sans vraiment savoir où je vais. J’ai des opportunités qui se présentent, parfois je me lance, mais à ce jour, je n’ai encore rien écrit qui ressemble de près ou de loin à un livre – j’en suis restée aux articles et aux petits boulots de commande pour des maisons d’édition, au bout desquels j’ai eu tellement de mal à arriver dans certains cas que je me demande comment je vais bien pouvoir écrire un livre entier.

Et quand je vois des gens autour de moi en train d’écrire et de publier les leurs, je suis prise d’une immense angoisse : ils sont en train de me dépasser. Ils sont en train de prendre ma place, de faire ce que j’ai promis de faire depuis si longtemps et que l’univers tout entier attend avec la plus grande des impatiences, c’est évident. Le monde ne tournera pas rond tant que je n’aurai pas écrit mon livre. Et si d’autres le font, c’est que je ne peux plus le faire, les places sont limitées.

Ça, c’est le genre d’absurdité que me sert régulièrement mon ego torturé.

La vérité, c’est que je n’ai pas encore écrit de livre parce que je n’en ai pas en moi. Je n’ai pas de graine qui germe et qui ne demande qu’à être arrosée pour fleurir. Je n’ai qu’un grand champ ensemencé ou rien de très durable ne pousse – pour l’instant. Et je suis tellement obsédée à l’idée de trouver quelque chose, vite, n’importe quoi pourvu qu’on puisse lire mon nom sur une couverture palpable de vrai livre de librairie, que je retarde encore un peu plus la croissance (comme quand t’as un retard de règles et que du coup tu passes en mode full panique et que ça les repousse encore plus tellement t’es stressé-e).

J’ai déjà fait la connerie d’annoncer avec trompettes et parade que je quittais tout pour me consacrer à l’écriture de mon livre qui allait être MOR-TEL, j’étais hyper sûre de mon idée même, et j’ai pas été capable d’aller au bout. Un seul refus de la part d’une maison d’édition m’a suffit, et quand j’ai suggéré l’idée à une autre et qu’on m’a dit « Hmmm oui mais hmmm aaah hmmm je suis pas sûre,  faudrait peut-être revoir le concept », je me suis découragée et j’ai tout arrêté.

Surtout qu’après y avoir réfléchi quelques semaines, je me suis aperçue qu’elle était pas si MOR-TELLE que ça mon idée, et qu’elle aurait effectivement bien besoin d’être retravaillée pendant longtemps, très longtemps, et que je n’en avais tout simplement ni le courage, ni l’envie (quand un projet m’excite vraiment, je baisse un peu moins facilement les bras).

Et vu que je suis infoutue de me concentrer plus d’une heure sur une tâche, il va vraiment me falloir une sacrée putain d’idée pour que je puisse renverser mon mode de fonctionnement suffisamment longtemps pour pondre une centaine de pages. Heureusement que j’ai d’autres projets et des idées plein la gueule pour continuer à assouvir mes pulsions créatives – j’en ai même pas réalise 20%, je prends des notes tous les jours pour d’autres trucs qui ne verront peut-être jamais le jour, mais parce que si je m’arrête de créer, je décède.

Mais résultat, j’ai tellement misé sur ce projet, cette envie complètement vide de sens, que je ne me sentirai pas accomplie tant que je n’aurai pas associé mon nom à une oeuvre finie, complète, durable – pas un projet ouvert comme un blog ou un magazine ou je ne sais quoi de périodique, non, un vrai truc avec un début, un milieu et une fin.

Donc voilà. Un jour, j’écrirai un livre. Ou peut-être pas. Mais en attendant je vais quand même essayer de faire pousser un truc, sait-on jamais. Sur un malentendu…

****

UPDATE : C’est maintenant chose faite. Trois fois, même. 

5 réflexions au sujet de “Un jour, j’écrirai un livre.”

  1. Moi, comme j’étais pas capable d’écrire un roman de plus de 12 pages mais que je voulais quand même voir mon nom sur une étagère de librairie, j’ai cherché un sujet dont tout le monde se fout et j’ai écrit un essai dessus. C’est plus facile à écrire et à faire publier qu’un roman, crois-moi. Et je me console en me disant que jamais mes écrits ne bouleverseront un lecteur ou une lectrice, mais qu’éventuellement, dans 10 ou 100 ans, mon bouquin sera vaguement utile au travail d’une étudiante ou d’un étudiant. Je pense que je peux donc mourir tranquille.

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  2. Des fois (souvent), quand tu écris, j’ai l’impression de voir des bouts de moi et c’est légèrement terrifiant.
    J’ai décidé d’écrire un livre vers sept ans, aussi, quand j’ai commencé à comprendre ce qu’était une histoire, quand j’ai acheté des dizaines de journaux intimes, quand j’ai raturé des bouts de récits niais à souhait sur des feuilles vite déchirées.
    J’ai un peu tout fait – tout voulu faire : être comédienne, puis metteur en scène, puis dramaturge, puis je suis partie en histoire de l’art, j’ai voulu avoir une galerie, travailler à mon compte, travailler dans la monde. J’ai fait un temps dans la mode, j’ai voulu continuer, j’ai passé des entretiens, j’en suis ressortie, j’ai refusé de continuer dans cette voix, de m’installer à Paris, de m’éloigner de ce qui comptait vraiment pour moi pour une ambition qui n’était pas la mienne et qui n’était, au fond, qu’une version tordue de pression sociale que je faisais peser sur ma personne assez étrange.

    Je venais tout juste d’être diplômée, j’ai posé les CV et autres conneries et j’ai ouvert Word. J’ai écrit un livre. Pas très long, très mauvais, mais je l’ai fait. Je l’ai envoyé, j’ai eu des refus, pas si négatifs que ça, et bizarrement ça m’a fait plaisir, de recevoir un « non ». Je le savais, au fond, que c’était un mauvais truc qui, encore, ne me ressemblait pas. Depuis à peu près un an et demi, j’ai pris un virage à 180°, j’ai refusé de passer ma vie à être occupée et j’ai décidé de passer le CAPES de Lettres Modernes. Grosse fraude que je suis, je n’ai étudié les LM qu’un trimestre, le seul truc me guidant étant mes passions : les livres et l’écriture. Et, avec tout ça, j’ai abandonné l’autre pression, débile, celle que connaisse ceux qui écrivent et qui ont quelques névroses : celle d’écrire un livre, jeune, un vrai chef-d’oeuvre qu’on s’arracherait, un truc incroyable.

    Je ne sais pas pour toi mais je me rends compte qu’à bientôt 25 ans, je ne suis pas assez mûre pour ça. Mon écriture est encore médiocre, en formation, je ne sais pas exactement ce que je veux écrire, de quelle façon, sous quelle forme. Et il me manque l’inconfort.
    L’inconfort dans le sens aller voir ailleurs, me gorger de connaissances (au sens propre du terme comme de rencontres, de gens, de nouveaux paysages, de choses différentes) et je crois que là, peut-être, ça commencera à se former, la graine.
    Mais quelque part, tu l’as déjà, cette graine. Ce n’est pas juste un champ en friche, je crois simplement que tu fais partie, à ta façon, de ces gens multi-potientalistes qui sont capables de beaucoup de choses, de se passionner pour des tas de domaines créatifs, et que tu as des tas de cordes à ton arc. Cela n’empêche d’avoir un but, une passion constante (personnellement je commence à peine à vraiment les découvrir). Et la première petite pousse, de cette fameuse graine, à mes yeux, c’est l’idée, l’envie même de t’y coller, un jour.

    Il s’écrira, ton livre, seulement ce ne serait peut-être pas au moment où tu l’auras décidé.

    Sur ce, je t’ai bien raconté ma vie, je retourne bosser ma grammaire. Des bisous.

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  3. ben mince. Sommes-nous si nombreux à avoir cette obsession? J’ai pondu vers 13 ans ce que je clamais haut et fort être un grand roman policier. Avec les années, j’en avais honte, aujourd’hui je souris de naïveté. J’ai commencé un blog parce que j’aimais écrire, sur tout, sur rien. Aujourd’hui j’y parle de restaurant, de voyage et de sport. Je rêve de me réveiller en pleine nuit avec une idée incroyable que mes songes m’auraient insufflée, mais non.

    Alors un jour, peut-être. En attendant, à la question sur les lèvres de mes proches « mais pourquoi t’écris pas un livre? » je ne sais pas quoi répondre d’autre que je ne sais pas, j’ai pas d’idée, j’ai pas envie de me faire remballer et donc je n’écris rien. C’est nul. Je vais bosser dessus 😉

    Une fois de plus, merci pour ce billet!

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  4. Je n’ai jamais eu envie d’écrire, tout simplement parce que j’angoisse tellement que ma tête se vide dès que je me retrouve devant une page blanche.

    Seulement, mon parcours est assez semblable.
    A 9 ans j’ai décidé de faire des bandes dessinées. Je voulais illustrer mes états d’âmes, ma vie, des choses que j’inventais.
    Puis j’ai commencé des études d’arts et j’ai abandonné. Quelque fois j’illustre des choses, pour moi, pour des gens, je mets des heures, des jours à les faire, et j’arrive à peu près à transmettre ce que j’ai à dire mais… Ça n’est pas une histoire.

    J’ai souvent tenté de commencer quelque chose, j’écris des notes, des débuts d’histoires, des passages qui n’ont ni queues ni têtes, mais globalement, la narration m’angoisse et le jugement d’autrui encore plus.

    Un jour viendra peut être, où l’on se sentira accomplies.

    Merci en tout cas.

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