Ça y est, la saison est arrivée, le temps est venu de faire ses comptes et d’informer le gouvernement du moindre petit centime touché à la sueur de votre front l’année dernière. Une épreuve difficile parce que 1) personne n’aime se replonger dans ses comptes, 2) personne n’aime passer par des étapes administratives et 3) personne n’aime l’idée de se faire ponctionner une jolie somme d’argent (même si ouais ok ça permet de financer des trucs cool oui je sais bien bon, d’accord, mais quand même, j’ai faim merde).
Si vous avez du mal à vous y retrouver dans toutes les étapes que constituent ce merveilleux petit rituel printanier, voici quelques astuces qui devraient grandement vous aider. Nous allons y aller ensemble, progressivement, étape par étape, jusqu’à ce que vous soyez enfin débarrassé-e-s de ce fardeau.
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Repoussez, repoussez, repoussez.
On vous a donné une date limite pour remplir votre déclaration, alors pourquoi vous précipiter ? Vous avez hâte de perdre de la thune ? Hâte de constater que vous n’avez finalement pas gagné grand chose en un an de dur labeur ? Hâte de voir les entrailles de votre compte courant se répandre aux pieds de l’État ? Ouais, c’est bien ce que je pensais.
Du coup, bon, ça peut attendre.
2. Paniquez.
…Ok, vous avez trop attendu et vous avez complètement oublié, mais qui peut vous en vouloir ? Déjà vous avez une vie bien remplie et en plus on vous a bien appris à vous souvenir des belles choses et tout le monde insiste sans arrêt sur l’importance de se concentrer sur le positif alors faudrait savoir, hein. Vous avez été votre propre allié-e, votre meilleur-e ami-e, vous avez fait preuve de bienveillance envers vous-même et à ce titre on devrait vous épargner la majoration de 10% qui représente environ tout ce qu’il reste sur votre Livret A.
Mais comme la vie est une chienne, vous pouvez vous mettre tout ça au cul et vous n’avez plus qu’à encaisser les conséquences de vos choix.
3. Perdez tout.
Vous avez bien pensé à rajouter votre prime au montant final ? Et ce boulot qui vous a été payé en retard ? Chaque petit centime a bien été calculé et ajouté à la somme finale ? C’est toujours triste à voir ? Ouais, normal. Allez, ça va aller, c’est qu’un mauvais moment à passer, cliquez sur l’étape suiv… NON, PAS LÀ ! NOOOOON !
Eh ben bravo, vous avez tout perdu, y a plus qu’à recommencer.
4. Recommencez.
Hurlez. Prenez une grande inspiration. Concentrez-vous. Ça va aller, relancez le bousin, on repart de zéro (comme votre COMPTE EN BANQUE, HEIN).
5. Pleurez un peu.
C’est trop, aucun être humain ne devrait jamais être confronté à une telle épreuve, c’est trop dur, beaucoup trop dur. Vous sentez que votre vision se brouille, vous avez le bout du nez qui pique et la lèvre inférieure qui tremble. Le flot de larmes tape aux portes de votre visage heurté par la cruauté et la froideur de la vie, vous n’allez pas tarder à craquer…
6. Pleurez encore.
…Alors allez-y, craquez. Laissez-vous tomber au sol, tendez les mains vers le ciel, demandez-lui pourquoi, pourquoi tant de haine, pourquoi moi, qu’ai-je donc fait pour mériter un tel calvaire ? C’est injuste, tellement injuste, j’ai rien fait putain, j’ai rien fait, j’ai été honnête et droit-e toute ma vie et c’est comme ça qu’on me remercie ?
7. Allez prendre une douche.
C’en est trop, il vous faut un reboot. Dirigez-vous vers la salle de bain, semez vos vêtements mollement sur votre chemin et recroquevillez-vous sous le jet réconfortant et rassurant de votre douche. Ici, personne ne pourra vous entendre crier. Ici, les larmes se mêleront à l’eau qui viendra panser les blessures infligées par la vie.
Une fois que le ballon d’eau chaude est vide, enveloppez-vous dans un maximum de couches de pilou et reprenez votre poste.
8. Appelez un adulte.
Rendez-vous à l’évidence : vous n’y arriverez pas seul-e. Vous n’êtes pas assez grand-e, encore. C’est pas juste de demander ça à quelqu’un-e comme vous, qui sort à peine du nid, qui il y a quelques heures à peine, avait encore du Nesquik au coin des lèvres.
Attrapez votre téléphone, faites un tour sur chacune des applications qui s’y trouve le temps de vous donner du courage, et composez le numéro de l’adulte le plus compétent de votre répertoire. Prenez une grande inspiration, attendez qu’il décroche et videz l’air qui gonfle vos poumons dans un déchirant « À L’AIDE !!!! ».
9. Arrachez le pansement.
Ça y est, on vous a pris par la main pour vous guider jusqu’à la fin de cette épreuve et vous voici enfin de retour à la case « autoriser l’État à fister mon compte en banque sans vaseline ni même un petit merci quoi putain ça coûte rien », il n’y a plus qu’à cliquer, une toute dernière fois, et ce sera terminé.
Allez, cliquez.
Cliquez, je vous dis.
MAIS PUTAIN CLIQUE TU PEUX PAS Y ÉCHAPPER DE TOUTE FAÇON T’AS COMPRIS OU PAS ? CHERCHE PAS, Y A PAS D’ISSUE.
10. Pleurez.
Attrapez votre couverture, étalez-là au sol, allongez vous à une extrémité en attrapant les bords et roulez sur vous même pour constituer un burrito humain jusqu’à ce qu’on ne distingue même plus vos formes et laissez-vous aller. Si vous faites une pause dans vos pleurs et que vous tendez l’oreille, vous entendrez les cris étouffés de tout le voisinage : c’est votre meute, votre clan, hurlez à l’unisson, joignez-vos sanglots aux leurs, vous ne faites qu’un.